Sur place, toute peur se dissipe • Monika Held

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Depuis que je suis très jeune, j’ai toujours eu le souhait me documenter sans arrêt sur la seconde guerre mondiale et en particulier sur la déportation. Je ne pouvais donc pas passer à côté de ce roman qui traite de ce sujet précisément, c’est pourquoi je remercie les éditions Flammarion de m’avoir permis de le lire.

Résumé …

Francfort, années 1964. Lena, interprète lors des grands procès des criminels nazis, tombe sous le charme de Heiner, survivant d’Auschwitz, qu’elle épouse. Mais leur histoire d’amour est fragilisée par les nuits d’Heiner peuplées de terribles cauchemars. Quelques années plus tard, ils entreprennent un voyage en Pologne pour entrer en résonance avec le passé et mieux appréhender leur présent.

Mon avis …

On a beau lire des dizaines et des dizaines de livres sur le sujet, chacun est différent, et celui-ci se différencie tout particulièrement de tous ceux que j’ai pu lire par le passé. Parce qu’il aborde autant la période de la guerre et donc la déportation en elle-même que la période qui a suivi, celle de la reconstruction de l’individu qui a survécu.

Par le biais du couple de Lena et de Heiner, l’auteur explore le sujet de la survie et de l’impuissance du conjoint qui n’a pas vécu cette horreur face à la détresse du survivant. Parce qu’il a échappé à la mort, qu’il a assisté à la pire atrocité dont l’humanité est capable, Heiner ne peux plus vivre comme avant. Il a l’habitude de dire qu’il a eu trois vies, une avant, une pendant le camp « d’une durée infinie », et une ensuite. Et cette dernière vie ne peut se dissocier de ses souvenirs. Parce que le passé ne peut pas disparaitre quand il transforme un homme à ce point-là.

La complexité psychologique à laquelle Lena fait face chaque jour aux côtés de Heiner est très intéressante. Parce qu’il tente de lui transmettre chacun de ses souvenirs, parce qu’il n’arrive pas à se détacher de tous ces instants où la mort a frappé ses amis à Auschwitz. Parce qu’il a survécu, et qu’eux y sont restés. Et parce qu’il réalise chaque jour davantage le gouffre qui le sépare de ceux qui n’ont pas vécu les camps.

« Mais le pire dans cet état, ce n’étaient pas les images l’arrachant à la réalité – c’était la solitude, cet éloignement incommensurable entre lui et les autres êtres humains. Il n’en voulait pas au couple de se régaler de ses escalopes, ni à la serveuse d’aimer la bossa-nova – il avait les larmes aux yeux parce que c’était tellement monstrueux qu’ils n’aient aucune idée de son monde à lui. »

J’ai eu quelques difficultés parfois cependant à me situer dans la chronologie des évènements, d’autant plus que de nombreux passages nous replongent dans les souvenirs de Heiner. Des voyages vont également les emmener sur les traces de Auschwitz, ou encore retrouver des survivants, amis de Heiner. Parce que cette vie que Lena partage avec Heiner est en permanence accaparée par Auschwitz. Et même si elle ne peut comprendre tout ce qu’il a traversé, cette façon qu’elle a de le soutenir chaque jour, d’essayer de toutes ses forces de comprendre, sans même y parvenir, est réellement touchante.

En postface de ce livre, Margarete Mitscherlich a écrit :

« Ce qui est arrivé est arrivé, perpétré par un peuple civilisé. Et si c’est arrivé, cela signifie que cela peut arriver de nouveau. Des êtres humains, et cultivés, intelligents, sont capables d’actes que nous n’aurions pas attendus d’eux. Et où que réapparaisse quelque indice, quelque soupçon de cela, nous ne pouvons pas de pas intervenir. C’est notre impérieux devoir, après Auschwitz, de ne l’oublier jamais. Cela reste un sujet éternel. Je ne crois pas que nous devions cesser de nous en soucier ».

Par le biais des livres, on prend conscience de tout cela, et ce roman y contribue un peu plus encore. C’est un roman important et qui nous fait réaliser autant que possible ce qu’un survivant peut traverser au cours de chaque jour de sa seconde vie. De cette vie marquée par la perte de toute croyance en l’humanité.

Pour résumer …

Quand on survit à la pire atrocité que l’humanité puisse connaitre, le monde en est changé. Heiner vit avec Auschwitz, quand bien même il l’a quitté. Et Lena vit aussi avec ce camp, avec ce passé dont elle ignore tout parce qu’elle ne l’a pas vécu. Ce roman traite de la survie, de la vie ‘d’après’ les camps et de l’impuissance du conjoint qui assiste à la détresse de l’autre. Profondément bouleversant.

Ma note : ★★★★★☆
(17/20)

8 réflexions sur “Sur place, toute peur se dissipe • Monika Held

  1. J’ai vraiment très très envie de le lire. C’est une période qui me touche particulièrement. Il est important, même si ce sont des romans, de lire des livres qui traitent de ce sujet pour ne jamais oublier surtout…

  2. A ceux et celles qui l’ont lu, j’aurais besoin de vos éclaircissements parce que je n’ai pas trop compris la fin 😦
    Je ne veux pas spoiler ici pour ceux qui ne l’ont pas lu donc je n’écris rien de plus mais juste au sujet du « paquet », qu’en avez-vous compris ?
    Merci d’avance 😉

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