INTERVIEW • Quelques questions à Caroline Michel

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Caroline Michel est auteur de 89 mois, récemment publié chez Préludes. Ayant beaucoup apprécié son roman, j’ai eu envie d’apprendre à la découvrir d’avantage en tant qu’auteur et je la remercie beaucoup d’avoir accepté cet interview.

• Caroline Michel •

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Caroline Michel a 28 ans. Un jour, il ne lui restera que quatre-vingt-neuf mois pour faire un bébé. En attendant, elle est journaliste pour la presse féminine et tient un blog très suivi (http://ovary.fr/) autour de thèmes qui lui tiennent à cœur : les relations amoureuses et le temps qui passe. (Source : présentation éditeur)

INTERVIEW

1- En tant que blogueuse, j’ai évidemment envie de te parler de ton blog (Ovary.fr) : Depuis combien de temps le tiens-tu ? Que t’apporte-t-il au quotidien ? Est-il complémentaire à l’écriture de tes romans ?
J’ai lancé le blog en 2007. Au départ, j’y racontais beaucoup mon quotidien, c’était une sorte de journal intime. Puis les réseaux sociaux ont débarqué. A ce moment-là, mon blog n’était plus anonyme, je le partageais sur Facebook ou Twitter en mon nom. Parler de moi m’est devenu compliqué, un peu gênant. Je ne voulais pas nécessairement qu’un ex, ma mère et toute ma promo soient tenus au courant de mes états d’âme. Aujourd’hui, j’écris plutôt sous un format de nouvelles. Des histoires que j’invente, qu’on me raconte, d’autres qui me sont plus personnelles, sans que ça ne se devine. C’est un terrain de jeu, un terrain où m’exercer. Je prends plaisir à dérouler une situation, une anecdote, à chercher les mots qui me semblent les plus justes pour transmettre un sentiment, une émotion. C’est une sorte de carnet géant et virtuel.

2- Comment as-tu vécu la publication de 89 mois ? Quelles étaient tes craintes / appréhensions, et quelles ont été les plus belles surprises ?
Je suis passée par plusieurs phrases avant la sortie. Euphorie, peur, impatience, envie de tout annuler. Le jour J, je débordais d’énergie. On sait que cette journée, on ne l’oubliera pas. Aussi eau de rose que ça puisse paraître, on réalise un rêve d’enfant. On fait tout pour se créer des souvenirs. Le petit café en terrasse, un moment pour soi, une soirée pour fêter ça, l’envie de savourer, de se poser cinq minutes et de prendre conscience qu’on y est. Côté craintes, évidemment, celle que ça n’interpelle personne. On écrit pour partager. Puis, côté texte, je craignais deux choses. D’une part, que le comportement de Jeanne et son goût du risque pour tomber enceinte déplaisent, bien que ce soit une fiction, pas un guide pratique.
D’autre part, que certains amoureux de lecture, peu concernés par le désir d’enfant, ne sautent pas le pas. Que le sujet soit clivant. Or, j’ai vraiment voulu écrire un roman actuel, sur une trentenaire, entourée d’amis trentenaires, qui se posent tous des questions sur l’amour, le boulot, la construction, la famille, l’amitié, avec des situations du quotidien que l’on vit tous. Moi-même, je ne suis pas tenue d’un désir de grossesse très bruyant. Aujourd’hui, je suis ravie de constater que certains lecteurs ont réellement plongé dedans alors qu’ils ne se jugeaient pas être la cible.

3- Comment t’es-venue l’envie d’écrire 89 mois ? Le sujet de la maternité et de l’envie d’enfant était-il quelque chose qui te tenait particulièrement à coeur d’aborder ?
L’idée m’est venue à force de discussions avec des copines de trente ans, célibataires, qui se demandaient comment elles allaient faire pour fonder une famille. Pas d’homme et le temps qui passe, drôle d’équation. Elles n’avaient pas forcément un désir de grossesse retentissant, mais un jour, il sonnerait. Et l’homme ne serait pas nécessairement livré avec. Evidemment, le packaging de rêve, c’est l’homme qui vous donne envie d’avoir des enfants. Alors voilà, je me suis interrogée. On grandit souvent avec l’idée bien précise de fonder une famille, de faire les choses dans l’ordre, entre vingt et trente ans. La rencontre, le premier bisou, le premier cinéma, se présenter nos parents, chercher un appartement et décider de faire des enfants. Un schéma qui s’impose. La question n’est pas de savoir si ce schéma est bon, pas bon, s’il faut le suivre ou changer de route face à une société qui nous pressurise, nous dicte un soi-disant modèle. La vraie question, c’est d’identifier son envie, son modèle à soi. Moi-même je peux reconnaître être pleine de clichés amoureux. Mais l’essentiel, c’est s’assumer, ou plutôt de s’y retrouver. J’ai eu envie de traiter de ça. De ce schéma, de la pièce manquante au puzzle, de la vie qui ne se déroule pas toujours comme on l’espérait à quinze ans.

4- Le comportement de l’héroïne du roman a pu étonner certains lecteurs. Etait-il important pour toi d’aller au bout du sujet de cette façon, en montrant que son envie d’enfant était telle qu’elle ne s’imposait pas de réelle limite pour atteindre son objectif ?
Oui, j’ai voulu montrer que l’on peut être prête à tout, lorsqu’on veut des enfants, mais aussi quand on est tenu par un objectif qui devient à nos yeux, parfois déraisonnablement, la condition sine qua non à notre épanouissement. Que le désir de maternité peut être insistant et nous pousser à faire un pas de trop, dépasser une limite, se mettre en danger. Jouer avec la vie, et donc avec la mort. Jeanne subit des remarques de ses amis, et aujourd’hui, des lecteurs. Mais encore une fois, c’est un roman, pas un guide. Fumer tue. Je ne le dis pas non plus. Dans les films, on ne vous précise pas si les personnages se protègent et on ne s’insurge pas s’ils ne portent pas de casque à moto. Même principe. C’est une fiction, la photographie d’un phénomène.

5- L’humour est très important dans ton roman. En quoi a-t-il été important pour toi dans ta façon d’écrire ?
Je trouvais ça intéressant de glisser de l’humour dans un sujet qui pourrait vite devenir lourd. Et puis Jeanne est parfois obsédée par son désir d’enfant, c’était bien de la rendre plus légère. En tout cas, je suis capable de faire un drame d’un rien, alors vaut mieux rire de tout.

6- Jeanne est, on peut le dire, une femme des temps modernes. Considères-tu le roman comment féministe ?
Non, ce n’est pas un roman féministe. Ou malgré lui. Je n’ai pas non plus voulu créer un personnage féministe. Jeanne, elle est plutôt classique, elle a toujours espéré vivre un grand amour, bourré de clichés. Elle n’a jamais pensé être la marionnette d’un schéma de vie, elle assume son envie d’homme, de robe blanche, de bébés à deux. Et c’est parce qu’il n’y a pas d’homme, plus de Julian, et plus de temps, qu’elle décide de composer autrement. Composer autrement, c’est prendre cette décision de bébé toute seule. Et là, Jeanne devient moderne. Et si elle le devient, c’est parce que de plus en plus de femmes pensent à faire un bébé toute seule et se rendent en Espagne ou en Belgique afin de. Elle est actuelle. Mais son projet, à ses yeux, n’est pas une mode, pas une défense, pas une revendication, pas un choix de vie. Ça en devient un, le sien, pour elle, pour assouvir son envie de bébé et un bout de sa définition du bonheur. Faire des enfants est la chose la plus naturelle au monde. Je ne crois pas que décider de les faire seule, malgré le combat que cela entraîne, soit féministe. Pas pour Jeanne en tout cas.

7- Es-tu une grande lectrice ? Quels sont les livres et auteurs qui ont marqué ta vie ? Ceux qui t’inspirent en tant qu’auteur ?
Je lis, mais je ne lis pas vite. Une phrase et voilà que je divague, réfléchis, pense à autre chose. Une auteur qui m’a marquée, et me touche, c’est Claire Castillon. J’aime son franc-parler, son style, la folie de ses personnages parfois. La lire me donne envie d’écrire. Mais étonnamment, ce qui m’inspire le plus, c’est la chanson française. C’est ça qui m’a donné envie d’écrire. Les mots bien trouvés, les phrases bien rythmées. Et aujourd’hui, j’écoute une chanson, ça me met dans un état d’esprit, ça me pousse à écrire. Alors qu’en fermant un livre, moins.

8- As-tu un nouveau projet de livre ? Quels sont les thèmes que tu aimerais aborder dans tes futurs romans ?
J’ai des idées et envie de poursuivre. Je ne sais pas encore quels thèmes aborder. La mort, l’amour, l’amitié. Le quotidien en fait. Trouver un thème, ce n’est pas forcément difficile. Ce qui l’est, c’est de tisser une histoire autour. Chose sûre, j’ai du mal à écrire sur moi, à m’étudier. Avant 89 mois, j’ai fait des essais, j’ai essayé d’écrire sur des sujets qui me tenaient à cœur, sur mes chats noirs. Compliqué. J’ai préféré m’éviter, partir dans une fiction, tout inventer en injectant « du moi » à petites doses, ici-et-là. J’aime bien me glisser dans la peau des autres, m’inspirer un peu partout, tirer des fils. C’est un exercice agréable. On verra bien quel sera le prochain.

89 mois est en librairie depuis quelques semaines.

Un grand merci à Caroline pour son temps et sa gentillesse.

5 réflexions sur “INTERVIEW • Quelques questions à Caroline Michel

  1. Encore une très bonne interview. Je trouve que tu as un véritable talent d’écriture mais également maintenant de journaliste. Les questions sont pertinentes, et nous donnent vraiment envie d’en savoir plus sur les romans des auteurs. Bravo! bisous

  2. Je n’ai pas lu ce roman et ne le ferait certainement pas avant un sacré paquet de temps, tout simplement car je n’ai « que » 19 et que je ne désire pas avoir encore d’enfants ^^
    Merci pour cette interview 🙂

    1. Je ne désire pas d’enfant pour l’instant non plus et je l’ai lu quand même. Je ne pense pas que les livres sont faits pour nous seulement lorsque l’on se retrouve dans ce que vit le personnage principal, au contraire je trouve que ça ouvre l’esprit de lire autre chose que ce qui nous concerne personnellement 😉

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