INTERVIEW • Quelques questions à Nadia Hashimi

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Il y a des livres qui vous marquent pour la vie et La perle et la coquille est de ceux-là pour moi. L’auteur a remporté le Prix des Lectrices cet été avec ce roman et publiera prochainement son second roman. Je suis ravie d’avoir pu lui poser quelques questions au sujet de son écriture, en espérant vous permettre d’en apprendre davantage à son sujet ou de vous donner envie de lire ses merveilleux écrits.

• Nadia Hashimi •

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Nadia Hashimi vit avec sa famille dans la banlieue de Washington, où elle exerce le métier de pédiatre. Ses parents ont quitté l’Afghanistan dans les années 1970, avant l’invasion soviétique. Ils sont retournés dans leur pays d’origine pour la première fois en 2002 avec leur fille. Un voyage marquant qui lui permet de découvrir sous un nouveau jour l’histoire et la culture afghanes dont ses romans sont imprégnés. (Source : Editeur)

• Interview •

1- Votre roman « La perle et la coquille » a été publié en France l’été dernier et vient de remporter le Prix des Lectrices. Comment avez-vous vécu la publication française et l’accueil que le roman a reçu ici ? Avez-vous prévu de venir en France rencontrer vos lecteurs ?
J’ai été tellement ravie de savoir que les lecteurs français ont choisi de suivre les vies de Rahima et de Shekiba dans mon premier roman. J’ai reçu des emails d’adultes et même d’étudiants qui ont été émus par tous les défis auxquels doivent faire face les femmes afghanes et la ténacité qu’elles montrent. C’est un signe de compassion et d’humanité, le genre de choses qui nous donnent de l’espoir pour demain. J’adorerais avoir l’opportunité de revenir en France (je suis déjà venue une fois quand j’étais plus jeune) mais cela n’est pas prévu pour l’instant, malheureusement. C’est quelque chose que j’espère changer.

2- Vous êtes américaine mais vos parents sont nés en Afghanistan. Etait-il important pour vous d’écrire sur ce pays d’où vous venez ? Vous sentez-vous également afghane ?
En tant que première génération américaine, j’ai l’avantage de pouvoir apprécier tant l’identité américaine que l’héritage culturel afghan. Dans la maison de mon enfance, mes parents nous encourageaient à adopter de nouvelles coutumes tout en conservant les traditions venant de « la maison ». Nous suivions de près les évènements en Afghanistan et j’étais captivée par la guerre sans fin en Afghanistan et, en particulier, les ravages que cela a semé dans les vies des femmes et des jeunes filles. Ma mère a grandi à Kaboul et a obtenu un baccalauréat en génie civil là-bas. Pendant le règne des talibans, les femmes n’étaient pas autorisées à marcher dans les rues sans se couvrir la tête et sans être accompagnées d’un homme. Comment l’Afghanistan de ma mère a-t-il pu changer aussi radicalement ? Je voulais partager un peu de l’Histoire afghane et mettre en lumière la détermination des femmes à travers ces défis.

3- Khaled Hosseini a recommandé votre roman. Aimez-vous ses romans également ? Il écrit au sujet de l’Afghanistan et vous écrivez tous deux des romans très importants au sujet de ce pays et des femmes. Pensez-vous avoir les mêmes objectifs en tant qu’auteurs écrivant sur l’Afghanistan ?
J’ai adoré « Les cerfs-volants de Kaboul » et ai ressenti un gonflement de fierté qu’un auteur afghan puisse écrire une histoire aussi émouvante. Cela a été un honneur très spécial de voir Khaled Hosseini encenser mon roman puisque je suis une fan absolue de son travail. Je ne peux pas parler de ses objectifs en tant qu’auteur mais je peux dire que j’ai pour but d’écrire des histoires qui montrent la force des femmes, qui revisitent des moments de l’Histoire et aident à construire des ponts favorisant la compréhension entre les cultures.

4- Dans « La perle et la coquille », vous écrivez au sujet des femmes et plus précisément des « bachaposh » : comment les jeunes filles sont cachées, habillées comme des garçons. Comment avez-vous découvert cette pratique ? Pourquoi avez-vous voulu écrire à ce sujet ? Avez-vous réalisé beaucoup de recherches pour écrire ce roman ? Avez-vous été en Afghanistan ?
Ayant grandi dans une famille afghane, il m’est difficile de vous dire exactement quand j’ai entendu parler pour la première fois de la coutume des bacha posh. C’est un phénomène au sujet duquel nous discutions de temps en temps, sans vraiment analyser les conséquences ou les origines de cette pratique. Je souhaitais écrire une histoire sur l’égalité des sexes telle qu’elle existe en Afghanistan et il m’est apparu qu’une bacha posh, une personne qui évolue dans la société afghane à la fois en tant que garçon et en tant que fille, serait une voix parfaite pour cette histoire. J’ai échangé avec des membres de ma famille et des amis qui ont expérimenté la coutume des bacha posh. J’ai cherché les évènements historiques et les chiffres à travers des photographies d’archives collectées par Louis et Nancy Dupree, et à travers des textes documentant l’Histoire afghane. Les recherches ont été très amusantes, comme l’a été le fait de dépeindre le moment célèbre où la Reine Soraya a enlevé son voile en public et a parlé de façon éloquente à propos du rôle actif que les femmes afghanes devraient utiliser pour faire évoluer le pays.

5- En octobre, les lecteurs français auront la possibilité de découvrir votre second roman « Si la lune éclaire nos pas ». Pouvez-vous nous en dire plus au sujet de cette histoire ?
« Si la lune éclaire nos pas » est l’histoire d’une femme afghane forcée de fuir Kaboul avec ses trois enfants pendant que son mari ingénieur est tué par les Talibans. Sans aucun moyen de survivre en Afghanistan, elle et ses enfants font de leur mieux pour traverser de dangereux postes frontaliers avec l’espoir de réunir leur famille en Angleterre. J’ai écrit ce roman en 2009, bien avant la crise actuelle des réfugiés. Cela m’a brisé le coeur de regarder les informations et de voir tant de syriens fuir leurs maisons pour les mêmes raisons que tant d’afghans ont fuit leur Afghanistan depuis trois décennies. L’Europe est dans une situation difficile, elle n’est pas préparée pour un flux si important de personnes et doit lutter avec des opinions très différentes sur la façon de le gérer. Mon seul espoir est que mon roman aidera les lecteurs à voir que cette masse de personnes connues comme des réfugiés (enfants, mères, professeurs, docteurs et artistes) ont des histoires a raconter. Ils n’ont pas toujours été des réfugiés et il est possible pour eux de faire renaître leurs vies ou d’en construire de nouvelles. Je l’ai vu se produire avec ma propre famille.

6- Vous avez déjà publié 4 romans. Savez-vous s’ils seront publiés en France ? Ont-ils tous pour sujet l’Afghanistan ? Pensez-vous qu’il y a beaucoup à écrire sur cette culture et sur ce pays ?
Cette année, je publie mon troisième roman adulte et mon premier roman intermédiaire, tous les deux inspirés par le peuple et l’Histoire de l’Afghanistan.

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Mon roman adulte, « A House Without Windows », est l’histoire d’une femme afghane, Zeba, qui est condamnée pour meurtre quand son mari est trouvé dans leur jardin intérieur avec une hache à l’arrière de sa tête. Elle est arrêtée et emmenée en prison où elle rencontre de nombreuses femmes emprisonnées pour des crimes ou pour immoralité. Son avocate afghane-américaine et sa mère, une femme qui pratique la magie noire, se battent pour découvrir la vérité derrière le meurtre.

Mon roman intermédiaire a pour titre « One Half From the East » et est au sujet d’une jeune femme nommée Obayda. Quand son père est gravement blessé dans une explosion, ses parents décident d’en faire une bacha posh en espérant qu’elle puisse apporter plus de chance à leur foyer. Obayda lutte avec sa nouvelle identité jusqu’à ce qu’elle rencontre un ami intéressant qui remette en question sa vision de ce qu’une femme peut ou ne peut pas faire. Les enfants vont tenter de découvrir si une obscure légende afghane peut les aider à réaliser leurs rêves.

Cela serait merveilleux de voir tous mes romans publiés en français pour que je puisse continuer à toucher tant de lecteurs bienveillants. Bien que j’adore écrire sur l’Afghanistan, j’écrirai certainement sur d’autres régions du monde également. Cependant, j’écrirai toujours sur des filles et femmes fortes, cette réalité universelle, parce que je crois que c’est important que la fiction soit le miroir de la réalité.

7- Les couvertures de vos romans sont absolument magnifiques. Les choisissez-vous vous-même ? Voulez-vous qu’elles respectent l’histoire de chaque roman ?
Je suis pleinement d’accord avec vous. Les couvertures de mes romans sont magnifiques et très évocatrices. J’aimerais pouvoir m’en attribuer le mérite mais elles sont le travail de merveilleux artistes et graphistes. Ils travaillent dur pour rendre acceptable le fait de juger un livre sur sa couverture.

8- Ecrivez-vous actuellement un nouveau roman ou avez-vous déjà de futures histoires à l’esprit ?
Je suis en train de terminer mon deuxième roman intermédiaire actuellement. C’est au sujet d’un jeune garçon qui part à l’aventure à New York avec l’espoir de retrouver sa mère biologique. Je travaille aussi sur un nouveau roman adulte mais il est beaucoup trop tôt pour en parler davantage. Sachez juste qu’il y a d’autres romans qui arriveront.

9- Aimeriez-vous voir vos romans adaptés au cinéma ? 
J’adorerais voir mes personnages sortir des pages et apparaître à l’écran. Je n’ai pas été approchée pour adapter mes romans mais si j’ai appris quelque chose au cours de ma vie, c’est que tout est possible.

Merci à Nadia Hashimi !

La perle et la coquille est toujours disponible en poche et en grand format chez Milady. Vous pourrez également lire « Si la lune éclaire nos pas » dès le 21 octobre chez Milady.

7 réflexions sur “INTERVIEW • Quelques questions à Nadia Hashimi

  1. Merci pour cet interview passionnante, je suis fan de Nadia Hashimi depuis que j’ai découvert l’an dernier La perle et la coquille grâce à toi 🙂 Ravie d’apprendre que d’autres histoires sont en cours d’écriture ! Je n’ai pas compris ce que signifie roman « intermédiaire » est ce que cela correspondrait à roman jeunesse ? Ça me plairait mais tellement de voir une adaptation de La perle et la coquille en film ou Si la lune éclaire nos pas que je vient de terminer, une fois de plus un gros coup de coeur ❤ j'ai adoré, une histoire absolument poignante et tellement touchante

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