No Home • Yaa Gyasi

Lors de la rentrée littéraire de janvier 2017, No Home est le roman qui m’a le plus attirée. Je l’avais déjà repéré en VO et quelque chose dans ce roman m’appelait. Comme s’il ne faisait aucun doute que j’allais l’aimer, et même encore davantage. J’ai pourtant attendu plusieurs mois avant de l’ouvrir car je savais qu’il allait être dense et exigeant et je souhaitais attendre le bon moment pour le découvrir. Merci à Calmann-Lévy pour cette lecture.

Résumé …

Maama, esclave Ashanti, s’enfuit de la maison de ses maîtres Fantis durant un incendie, laissant derrière elle son bébé, Effia. Plus tard, elle épouse un Ashanti, et donne naissance à une autre fille, Esi. Ainsi commence l’histoire de ces deux demi-sœurs, Effia et Esi, nées dans deux villages du Ghana à l’époque du commerce triangulaire au XVIIIe siècle. Effia épouse un Anglais et mène une existence confortable dans le fort de Cape Coast, sans savoir que Esi, qu’elle n’a jamais connue, est emprisonnée dans les cachots du fort, vendue avec des centaines d’autres victimes d’un commerce d’esclaves florissant avant d’être expédiée en Amérique où ses enfants et petits-enfants seront eux aussi esclaves. Grâce à un collier transmis de génération en génération, l’histoire se tisse d’un chapitre à l’autre : un fil suit les descendants d’Effia au Ghana à travers les siècles, l’autre suit Esi et ses enfants en Amérique.

Mon avis …

Il y a des romans dont on sait dès le départ qu’ils nous marqueront pour longtemps, et je l’ai clairement ressenti en commençant No Home. L’arbre généalogique présenté à la première page nous laisse présager l’amplitude historique qui nous sera contée par Yaa Gyasi au cours de ce livre qui est pour moi un véritable chef-d’oeuvre. Quelle ambition d’avoir osé écrire sur une si large période et sur autant de personnages ! Quel talent d’avoir réussi à raconter tant de générations, tant de personnages, toujours liés entre eux ! J’ai adoré cette idée originale d’écrire l’histoire de cette façon. De suivre, chapitre après chapitre, des générations différentes d’une même famille, sur deux branches différentes de leur arbre généalogique.

On s’interroge rarement sur ce qu’ont vécu nos arrières-arrières grands-parents, ce qu’ils nous ont transmis. A la lecture de No Home, je crois que chacun aura envie de chercher dans le passé de sa lignée familiale, pour tenter de comprendre d’où il vient. C’est le véritable message de ce roman, celui de nous faire comprendre que par ses actions ou ce qu’il vit, chacun transmet quelque chose à toutes les générations qui le suivront. Que cela détermine le lieu où il vivra, sa condition, son héritage social : sa vie impactera celles de ses descendants. De la même manière que l’on hérite de ceux qui nous ont précédés.

« Tu veux savoir ce qu’est la faiblesse ? C’est de traiter quelqu’un comme s’il t’appartenait. La force est de savoir qu’il n’appartient qu’à lui-même. »

Yaa Gyasi réussit à lier l’histoire américaine et du Ghana à travers le prisme de l’esclavage et de l’oppression des peuples. Il est absolument étonnant de constater à quel point, en seulement quelques pages, nous réussissons à nous imprégner d’une époque, d’un contexte familial et historique et d’une nouvelle galerie de personnages … Il peut paraître parfois frustrant de quitter des personnages auxquels nous sommes attachés après seulement quelques pages, puisque chaque chapitre bouscule le récit en changeant complètement d’époque et en nous dévoilant une génération suivante. Il est également un peu compliqué de se souvenir de ce qu’ont vécu les ancêtres de chacun des personnages, éléments pourtant indispensables pour comprendre ce qu’ils vivent à leur tour. Des allers-retours auprès de l’arbre généalogique sont nécessaires pour s’ancrer au maximum dans ce récit et en saisir toutes les nuances et les complexités.

J’ai été littéralement éblouie par ce roman, par son ambition, par la qualité de son écriture, par la densité de son contenu. Impressionnée par le talent fou de son auteur, par l’intelligence de son récit. Par la beauté de sa conclusion, qui ne pourrait être décrite par aucun mot. Il faut la lire pour la percevoir. Quel bijou, quel monument de la littérature ! Il faut être prêt avant de s’y lancer, prêt à le lire sans trop d’interruptions, prêt à resté concentré suffisamment longtemps pour l’apprécier à sa juste valeur. Il faut surtout avoir la curiosité de découvrir l’Histoire de façon si large que ce soit au niveau géographique ou temporel. No Home est pour moi une véritable révélation littéraire, l’un de ces livres qui marqueront ma vie de lectrice et que j’aimerais relire, parce que je suis persuadée que je pourrais le lire 20 fois et que je réussirais à le redécouvrir, à en tirer de nouvelles leçons et à mieux saisir certains passages. Sa densité peut être un obstacle à la saisie de tout ce qu’il contient et pourtant, Yaa Gyasi nous embarque et provoque une folle envie chez le lecteur de tourner page après page, en en réclamant toujours davantage. J’ai passé plus de dix jours à lire ce roman, à m’imprégner de sa richesse, et j’aurais aimé qu’il soit infini. Parce que j’ai eu la sensation de lire l’un des romans les plus importants de ma vie.

Pour résumer …

Un chef d’œuvre absolu à l’ambition et à la densité impressionnante. Yaa Gyasi nous transporte à travers les siècles et les générations avec une facilité époustouflante et nous décrit l’esclavage, l’oppression des peuples et l’héritage de chacun avec beaucoup d’humanité, de justesse et une écriture brillante et pleine d’émotions. Je l’ai terminé en ayant l’impression d’avoir découvert l’un des livres les plus importants de mon existence.

Ma note : ★★★★★★
(20/20)

9 réflexions sur “No Home • Yaa Gyasi

  1. Très belle chronique, qui restitue toute la force du roman, sa beauté. Quel génie tout de même, réussir à écrire un roman d’une telle ampleur historique et romanesque. Moi aussi il me marquera durablement.

  2. j’ai aussi été happée par la densité du récit et sa puissance évocatrice. Je suis d’accord avec toi lorsque tu dis qu’il donne envie de se pencher sur son arbre généalogique…un jour peut être… j’ai aimé la pudeur de l’auteur, j’en fais part dans ma chronique sur mon blog.Merci pour ton article, il va surement donné envie à ceux qui ne l’ont pas lu de le découvrir!

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