Les victorieuses • Laetitia Colombani

« La tresse » avait été une telle découverte pour moi il y a deux ans (j’avais d’ailleurs interviewé l’auteur) que j’étais particulièrement heureuse de retrouver Laetitia Colombani avec ce nouveau roman, que j’ai lu lors de mon séjour à Copenhague. Merci à Grasset pour cet envoi.

Résumé …

À 40 ans, Solène a tout sacrifié à sa carrière d’avocate : ses rêves, ses amis, ses amours. Un jour, elle craque, s’effondre. C’est la dépression, le burn-out. Pour l’aider à reprendre pied, son médecin lui conseille de se tourner vers le bénévolat. Peu convaincue, Solène tombe sur une petite annonce qui éveille sa curiosité : « cherche volontaire pour mission d’écrivain public ». Elle décide d’y répondre. Envoyée dans un foyer pour femmes en difficulté, elle ne tarde pas à déchanter. Dans le vaste Palais de la Femme, elle a du mal à trouver ses marques. Les résidentes se montrent distantes, méfiantes, insaisissables. A la faveur d’une tasse de thé, d’une lettre à la Reine Elizabeth ou d’un cours de zumba, Solène découvre des personnalités singulières, venues du monde entier. Auprès de Binta, Sumeya, Cynthia, Iris, Salma, Viviane, La Renée et les autres, elle va peu à peu gagner sa place, et se révéler étonnamment vivante. Elle va aussi comprendre le sens de sa vocation : l’écriture. Près d’un siècle plus tôt, Blanche Peyron a un combat. Cheffe de l’Armée du Salut en France, elle rêve d’offrir un toit à toutes les exclues de la société. Elle se lance dans un projet fou : leur construire un Palais. Le Palais de la Femme existe. Laetitia Colombani nous invite à y entrer pour découvrir ses habitantes, leurs drames et leur misère, mais aussi leurs passions, leur puissance de vie, leur générosité.

Mon avis …

Dans la construction des « Victorieuses », on retrouve plusieurs histoires en parallèle, l’une se déroulant aujourd’hui et l’autre en 1925. Leur point commun : les deux se situent au même endroit, au Palais de la Femme, à Paris, un lieu qui existe réellement mais dont j’ignorai personnellement tout. Pour raconter cette histoire, Laetitia Colombani a choisi de mettre en lumière Blanche Peyron, effacée par l’Histoire qui n’a retenu d’elle que le nom de son époux. Avec l’aide de ce dernier, et en dépit de ce qu’était la condition féminine à l’époque, elle va, en 1925, décider de racheter, par le biais de l’Armée du Salut de France dont son mari est commandant, un hôpital de guerre laissé à l’abandon afin de le transformer en Palais de la Femme. Pour elle, ces pièces vides doivent abriter des personnes dans le besoin, elle qui ne supporte pas la misère.

Blanche avait cette ambition-là, de sauver les femmes de la rue, de leur permettre d’avoir un refuge. Son courage et sa détermination sont magnifiquement portés par la plume de Laetitia Colombani. J’ai beaucoup de mal à croire que cette femme soit si méconnue, nouvelle preuve que l’Histoire ne retient que les hommes. Pour cela, déjà, le roman est utile. On doit tous se rappeler de Blanche et de ses combats.

Et puis, il y a Solène, une avocate qui peine à trouver du sens à sa vie. Elle a comme l’impression de ne pas savoir où aller. Quand son médecin l’encourage à faire du bénévolat, elle va franchir les portes du Palais de la Femme en tant qu’écrivain public. Son rôle ? Prêter sa plume et assister les résidentes du Palais dans leurs courriers et demandes administratives. Seulement, pénétrer dans ce lieu, c’est aller à la rencontre de femmes avec leur histoire, forcément tragique. C’est accepter de regarder en face la misère que nous sommes bien trop à préférer ignorer.

“Elle voudrait lui expliquer pourquoi elle est partie. Pourquoi elle a pris Sumeya, sa petite sœur, et pas lui. Elle voudrait lui raconter ce que l’on fait aux filles dans leur pays, la Guinée. Elle se souvient du jour de ses quatre ans, lorsqu’on l’a emmenée et qu’on lui a tenu les jambes. Elle se souvient de la douleur fulgurante qui l’a coupée en deux et l’a fait s’évanouir, cette douleur ravivée le soir de ses noces, comme à chacun de ses accouchements, telle une punition sans cesse renouvelée. Cette abomination qui se perpétue de génération en génération. Ce crime contre la féminité. Elle ne voulait pas ça pour Sumeya. Non, pitié. Pas ça pour Sumeya. Elle savait pourtant la chose inévitable. En Guinée, la quasi-totalité des femmes sont mutilées. Elle a entendu ce chiffre une fois, à la radio : 96 % de la population féminine. Elle n’est pas allée à l’école mais elle sait ce qu’il signifie. Il veut dire sa mère, ses sœurs, ses voisines, ses cousines, ses amies. Il veut dire toutes les femmes de son quartier, toutes celles qu’elle connaît. Il veut dire Sumeya, aussi.”

Le roman est vraiment engagé et je crois pouvoir dire qu’il fut une claque pour moi. Il provoque forcément une remise en question sur notre rapport aux personnes qui sont dans le besoin. Sur notre propre notion de l’humanité. C’est un roman sublime dans lequel j’ai eu envie de noter tellement de citations. Laetitia Colombani plonge au coeur des foyers pour femmes sans abri, et met des noms et des histoires sur des visages que l’on croise sans vouloir les regarder vraiment.

Pour résumer …

Des destins qui se croisent, au coeur du Palais de la Femme, pour nous raconter le combat de Blanche Peyron, femme merveilleuse oubliée par l’Histoire, et celui de toutes les femmes qui foulent son sol depuis tant d’années. Une claque, une inspiration, pour enfin oser regarder la misère et tendre la main à ceux qui en ont besoin.

Ma note : ★★★★★★
(20/20)

5 réflexions sur “Les victorieuses • Laetitia Colombani

  1. J’avais été séduite par La tresse pour son fond mais j’avais trouvé l’écriture un peu plate. J’attends donc la sortie poche pour ce roman. Merci pour cet avis, je pense que l’histoire va tout de même me plaire.

  2. Moi, je me suis pris une claque avec « La Tresse » et j’ai vraiment hâte de découvrir celui-ci qui continue de parler des femmes sous toutes leurs facettes.

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